Tahiti francophone: culture et langue
Tahiti baigne dans la culture française, mais aussi nord-américaine. Les habitants en sommes imbibés, et ils ne s'en plaignent pas trop. Tahiti a encore gardé son originalité bien qu'aujourd'hui elle vit et s'exprime essentiellement en français, langue du pouvoir, langue du colonisateur, langue qui assure le bon emploi. Le combat pour la diversité, Tahiti le vit au quotidien.
La diversité culturelle, ce ne serait pas le repli sur soi ou l'anti-mondialisation. Car la diversité culturelle c'est au contraire le regard sur l'autre. C'est dire : " Regarde, ailleurs, comme c'est beau ! ". Il s'agit là de la clef de voûte de la diversité culturelle. Comment rester soi-même, rester enraciné, tout en étant universel?
En matière de culture, un gouvernement doit donner les moyens, mais jamais le contenu. La diversité culturelle, c'est permettre le choix, c'est laisser le peuple décider. C'est permettre que ce choix reste possible. L'expérience récente des "Grands Ballets de Tahiti", groupe de danse voulu et subventionné par nos leaders politiques et leurs amis et qui a quasiment disparu, est l'exemple que ce qui n'a pas trouvé ses origines parmi le peuple n'est pas de la culture, mais du "business".

Et il y a aussi des dérapages. Le Carnaval de Tahiti, imposé par la politique, ne vit que grâce aux associations, parfois à connotations politiques, subventionnées par des fonds publics. Il n'a pas d'assise dans la tradition populaire. Plus grave est le fait qu'il impose, comme la fête de Halloween, le pastiche des genres. Comme les dirigeants n'ont pas d'idée originale, ils se bornent à imiter des recettes qui ont été des succès ailleurs. Mais Tahiti, ils semblent l'oublier, n'est ni Rio de Janeiro, ni Nice voire Trinidad. A chacun son "truc" ! Faire et imposer de la copie ne peut être que néfaste et mener au ridicule.
On impose là à une culture fragile et unique un phénomène qui s'appelle la "disneyfication" de la culture. L'uniformisation culturelle, ce sont les manifestations culturelles nationales et régionales, autrefois si typées, qui de plus en plus prennent la même saveur. Qu'un gouvernement puisse encourager et financer une telle tendance, à cause d'un manque d'imagination ou d'une attraction pour le pastiche, est une véritable instauration de la mondialisation, de la banalisation.
Oui, mais il y a les fêtes du Heiva, pures et polynésiennes, nous répond-on. Hélas, là encore, une sorte de dirigisme et de totalitarisme apparaît : c'est la Présidence, sans même consulter le ministère de la Culture, qui décide qui aura droit de filmer ou pas les manifestations de danses, les otea, aparima et autres himene tarava. On a l'impression que le pouvoir politique s'est approprié le Heiva, ex-Tiurai, ce qui était depuis un siècle une manifestation populaire, fait par le peuple pour le peuple. Vouloir tout diriger à outrance, encadrer les soirées par des miliciens, imposer une culture de la sécurité à l'occidentale avec gardiens, badges et interdits paraît non seulement superflu dans une petite société îlienne, mais ne peut qu'aboutir à transformer une fête populaire en une sorte de concert de rock.
Où ce phénomène trouve-t-il sa source ? Peut-être dans l'obsession de nos leaders pour la sécurité, comme s'il existait à Papeete des terroristes qui rôdent en cherchant à tuer le Président ou ses ministres ? Dans le fait que "pour plaire, pour impressionner" dorénavant, il faut donner dans la sono à un million de watts et des projecteurs visibles jusqu'à Huahine ? Ou dans le fait que ce genre de demande provient de consommateurs de plus en plus acculturés ?
On l'oublie parfois, mais les œuvres de la culture ne sont pas une marchandise comme les autres, et que par conséquent elles ne sauraient être soumises à la libéralisation. Ce principe est déjà accepté dans un cas majeur. Il est reconnu qu'une statuette aztèque n'est pas un bien de consommation courant. Il va de soi qu'un businessman ne pourrait, sur un coup de tête, déménager un moai de l'île de Rapa Nui à Las Vegas. Ces choses se sont faites à une autre époque, mais désormais elles ne se font plus, elles sont interdites, et elles le sont parce que la culture, c'est différent, tout simplement.
Alors pourquoi ce qui vaut pour les manifestations des cultures passées ne vaudrait pas pour les manifestations culturelles présentes, vivantes ? A la cadence actuelle, dans cent ans il n'y aura plus de patrimoine à préserver. Ce qui vaut pour un magnifique château de la Loire devrait valoir pour les cultures contemporaines. La diversité est déjà vue comme positive lorsqu'il s'agit de biologie, d'écosystèmes, or les cultures et langues du monde ont aussi grand besoin de leur Sommet de Rio. Ne dénonce-t-on pas la disparition quotidienne d'espèces vivantes ? Pourquoi être plus indifférents lorsque des langues et les cultures trépassent ? Quand le gouvernement de Paris se rendra-t-il compte que ne pas reconnaître officiellement le reo ma'ohi (le tahitien) est accélérer sa disparition ? Car sans langue, il n'y a hélas point de culture ! Allons, Monsieur le ministre Jack Lang, nul besoin de "réfléchir" encore, comme vous l'avez promis à Louise Peltzer, ministre de la Culture de Tahiti. Grâce à l'école républicaine et à la télévision, la "francisation" de la Polynésie française est depuis des lustres une réussite payée, confirmée et bétonnée. Soyez assuré que rendre à la langue tahitienne son statut de langue officielle ne représente vraiment plus aucun danger pour ni la primauté du français ni la présence de la France à Tahiti.

Quelques impressions de la cuisine tahitienne
- CURRY DE POULET AU FEI (banane) ET PATATES DOUCES
Temps de préparation: 30 mn
Temps de cuisson : 1h15 mn
Ingrédients pour 6 personnes :
· 3 fei
· 6 petites patates à chair mauve
· 3 papayes
· 1 citron
· 2 gousses d'ail
· 6 cuisses de poulet
· 1 cube de bouillon de volaille + ½ l d'eau
· 3 c à s de sauce soja
· 3 c à s sauce plum
· 10 cl d'huile d'arachide
· 10 cl de lait de coco
· 1 oignon vert pour la décoration
· 3 c à s de curry
· sel
Nombre de calories : 560 Kcal/personne
Matériel : Un four
Conseils :
· Le poulet peut être remplacé par du canard ou du porc

Préparation
1. Peser et rassembler tous les ingrédients
2. Dans une plaque à rôtir placer les 6 cuisses de poulet et les badigeonner au pinceau avec le mélange sauce soja, sauce plum, huile. Réserver au frais.
3. Laver et éplucher les patates douces, les cuire dans de l'eau salée et légèrement sucrée. Vérifier la cuisson. Egoutter. Découper en tranches asses larges.
4. Laver et couper les papayes en 2. Enlever les graines, verser un filet de citron sur chaque moitie et réserver au frais. Cuire les fei (bananes) au four TH 6/7 (175 oC) dans leur peau pendant 15 mn. Piler l'ail, émincer l'oignon. Réserver.
5. 1 hl avant le service. Enfourner à nouveau les cuisses de poulet, ajouter l'oignon, l'ail, le curry. Saler, poivrer et huiler le tout. Au bout de 20 mn, verser dans la plaque 2 louches de bouillon et arroser les cuisses de poulet. 10 mn plus tard, ajouter les papayes, les patates douces et les fei cuits et pelés en les arrosant toutes les 10 mn. Avant de servir ajouter le lait de coco au jus. Vérifier l'assaisonnement et la cuisson de vos ingrédients.
6. Placer dans une assiette chaude : verser la sauce, déposer une cuisse de poulet, une demi papaye, la patate douce et un demi fei. Arroser de sauce. Décorer avec l'oignon vert.
Bon appétit!
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Hymne tahitien
A Tahiti, îles où la population a perdu sa mémoire historique lors de la colonisation qui imposa la sienne, le chemin qui mène à la création de l'identité de "pays" passe par des moyens identiques. On connaît l'engouement du président Flosse pour le culte du drapeau territorial et la "religiosité" qui se lit sur son visage lorsqu'il écoute, debout la main sur le cœur, le nouvel hymne tahitien lors des cérémonies officielles, un hymne bien plus mélodieux que les flonflons martiaux et les paroles sanglantes de la Marseillaise, admettons le.
Oui, mais maintenant il est temps de glorifier des hommes irréprochables qui se sont battus pour un idéal polynésiens, des personnalités qui nous ont quittés et dont les idéaux servent à rassembler tout un peuple par l'exemple des motivations pures qui les ont animés. Et c'est bien le début de ce second acte que nous avons vécu le dix mars : tous les grands médias et le Fare Tahiti Nui ont célébré avec faste le dixième anniversaire de la disparition du poète-militant tahitien Henri Hiro.
Tout le combat de H.Hiro était une lutte contre l'occidentalisation effrénée de nos îles, contre l'introduction de l'économie de l'argent, contre la dévalorisation des valeurs polynésiennes et la prolétarisation de sa population traditionnelle, contre le nucléaire et pour l'indépendance. En fait, celui qui vient d'être proclamé nouvel héros national se battait à peu près contre tout le système "à l'occidentale", tout ce que le gouvernement met aujourd'hui frénétiquement en place.
Quel beau retournement de situation que de voir que l'homme qui jadis fut si souvent été dénigré par le pouvoir et ses serviles valets, et de façon encore bien plus méchante lors de ses campagnes antinucléaires ou politiques pour l'indépendance, est aujourd'hui présenté à notre jeunesse comme l'exemple du modèle à suivre.
Avec patience et dans le cadre de la mise en place d'une "identité polynésienne", nous attendons la sacralisation prochaine de grands personnages tel Teraupo, l'âme de la révolte contre l'annexion de Raiatea lors de la guerre des Îles-sous-le-Vent (M. Flosse a déjà inauguré une stèle à sa mémoire), le grand nationaliste Pouvanaa a Opaa qu'il a fallu écarter pour faire les essais nucléaires (va-t-on donner son nom à l'avenue Bruat ?) et bien sûr Francis Sanford, père de l'autonomie et si proche de son peuple.
